«Enseigner à l'université.
Conseils pratiques, astuces, méthodes
pédagogiques »
Armand Colin, 2011
Résumé:
Markus Brauer a obtenu sa thèse de doctorat en psychologie à l'université du
Colorado. Il a été directeur du laboratoire de psychologie Sociale et
Cognitive à l'université de Clermont Ferrand avant de rejoindre l'université du
Wisconsin.
Mon avis : dans ce livre, M. Brauer expose de manière très pratique
mais avec l'appui de
nombreuses études et références théoriques des «méthodes pédagogiques qui
marchent », applicables à la fois aux grands groupes (CM) et aux petits
groupes (TD, TP). Sa méthode suppose de bâtir son cours sur une lecture
obligatoire, ce qui est peu pratiqué à la FdS, mais néanmoins, même
hors de ce cadre, les conseils données restent en grande majorité
applicables. Certains des conseils sont connus mais l'ouvrage reste très
intéressant en particulier car les pratiques proposées sont bien étayées par des
travaux en psychologie et en sciences de l'éducation. Les deux aspects se
complètent parfaitement et le livre est une excellente source pour commencer à
aborder la littérature sur la pédagogie.
Chapitre de présentation du but du livre et des méthodes utilisées, qui se
basent sur les recherches les plus récentes (à l'époque, 2011) en pédagogie et
en sciences de l'éducation. L'auteur se base également sur son expérience
d'enseignant et les nombreux ateliers de formation à la pédagogie qu'il a
animés. Il souhaite donner un large éventail de conseils pratiques, sachant que
certains s'appliquent mieux que d'autres en fonction des disciplines.
La méthode décrite par MB se base sur le fait qu'un enseignement est d'autant
plus efficace qu'il implique les étudiants dans un travail hors du cours. Cross
et Steadman [1] ont montré que la quantité de travail que l'on
peut attendre d'un étudiant est variable suivant les années. Elle est de 1h de
travail personnel par heure de cours en licence, mais doit être modulée si la
quantité de cours en présentiel est importante. Dans ce cas, il faut qu'une
partie du travail personnel ait lieu en cours.
L'apprentissage actif des étudiants repose sur des lectures obligatoires et
facultatives. Les lectures obligatoires sont
celles sur lesquelles va porter tout ou partie de l'évaluation. Le rôle de
l'enseignant est modifié : il passe de celui qui transemt l'information (en CM
essentiellement) à celui qui «facilite » l'apprentissage.
L'efficacité de la lecture obligatoire dans l'amélioration de l'enseignement a
été montré par Collins[2] :
- elle facilite l'apprentissage actif (à l'opposé de l'enseignement
frontal),
- elle est formatrice car elle apprend à trouver soi même des informations
dans un texte,
- elle libère l'enseignant de la crainte d'oublier des informations en CM,
- elle évite aux étudiants de tout noter durant le CM.
Le choix de la lecture obligatoire est donc capital et représente une part
majeure du travail préparatoire d'un enseignement. Pour le CM, il faut un livre
accessible, comme un manuel de cours (littérature secondaire), qui peut être en
Anglais. La lecture d'articles plus spécialisés (littérature primaire) est
réservé aux TD. MB rappelle qu'on peut copier jusqu'à 10% d'un ouvrage pour
l'enseignement. Quelques exemplaires non empruntables d'un livre dans la
bibliothèque suffisent pour 200 étudiants.
Pour que les étudiants lisent la lecture obligatoire :
- il ne faut pas leur en donner trop,
- il faut indiquer précisément chaque semaine quelles sont les pages à
lire,
- il faut les informer dès le début du cours que l'examen portera sur
cette lecture,
- on peut donner un test très court sur la lecture au début de chaque cours,
- on peut faire des activités auxquelles les étudiants ne peuvent
participer pleinement que s'ils ont lu la lecture obligatoire.
Dans le dernier paragraphe, MB répond aux objections les plus fréquentes à
l'encontre de la lecture obligatoire (absentéisme en cours, rupture de
l'égalité entre les étudiants, ...).
MB décrit le syllabus qui est un véritable «contrat » passé entre
l'enseignant et les étudiants. Plus qu'un simple plan de cours, il donne le
maximum de détail sur les enseignants, le cours, les modalités d'évaluation,
les séances de soutien éventuelles, les lectures obligatoires et conseillées,
etc. Il fait entre 2 et 4 pages et est distribué aux étudiants pendant le
premier cours. Deux exemples de syllabus sont donnés dans le livre et MB
indique des liens pour trouver des syllabus de base sur le
net1.
Les intérêts d'un syllabus2 :
- il précise les termes du «contrat» entre les étudiants et les
enseignants. Il est possible d'y faire figurer des règles de comportement en
cours ou en TD.
- il oblige l'enseignant à être organisé (quitte à prévoir des semaines de
réserve en cas d'impondérable).
- il aide aux rapports entre enseignants et étudiants : les règles sont
clairement fixées en début de semestre et l'enseignant apparaît organisé,
sérieux.
Le premier cours est particulièrement important et doit permettre de remplir
deux tâches essentielles : «conclure le contrat et établir le rapport avec
les étudiants».
Le rapport avec les étudiants peut se travailler et dépend des comportements de
l'enseignant. Il faut leur montrer de l'intérêt et l'outil principal est de
connaître leur nom. C'est évidemment plus difficile dans un amphithéâtre mais
MB donne quelques moyens pour le faire. On peut également montrer que l'on
prend au sérieux l'enseignement, en parlant de sa méthode d'enseignement, des
évaluations des années précédentes et des mesures qu'on a prises pour en tenir
compte.
Il est particulièrement important également d'être parfaitement à l'aise dans
la salle pour le premiers cours, en vérifiant que le vidéo-projecteur
fonctionne, que la salle est bien accessible, etc.
MB conseille de prendre le temps de se présenter, y compris en incorporant des
éléments personnels («... c'est du temps bien investi.»), de demander
des renseignements personnels aux étudiants en expliquant pourquoi on le
fait. Ensuite, présenter le syllabus et les règles à respecter en cours et en
TD. Par exemple, instaurer des règles dans les réponses au mail (dire qu'on
répond en 2-3 jours par ex.), dire si on accepte des questions pendant le
cours, après, la tolérance ou pas aux retards, etc... Il faut aussi rappeler
et préciser les règles pour les évaluations, donner une indication de la
quantité de travail qu'on attend, sans laisser l'impression que le cours est
facile. On peut également parler des méthodes d'apprentissage à utiliser
L'attention des étudiants diminue très rapidement et l'enseignement frontal est
le moins bon des systèmes d'apprentissage. MB conseille de parler moins
longtemps, quitte à ne pas utiliser tout son temps de cours à parler, pour être
écouté par le maximum d'étudiants. Il ne faut pas hésiter à faire des pauses
(MB donne des trucs pour que celles-ci ne dure pas plus que le temps imparti).
Il faut s'assurer d'être vu et entendu par tous, au besoin en se déplaçant dans
l'amphi, ne pas lire ses notes (quitte à oublier certains points mais la
lecture obligatoire fait office de filet), etc.
MB conseille également de mettre en place des activités favorisant
l'apprentissage actif, y compris pour de grands groupes[3], de
hiérarchiser l'information et de créer des associations mentales pour aider à
la rétention d'informations. MB insiste sur l'importance de demander le retour
des étudiants et sur les moyens d'obtenir ce retour. Le cours doit se terminer
par un résumé des idées clefs qui y ont été énoncées, un rappel de la lecture
obligatoire pour le cours suivant et en donnant aux étudiants une question à
laquelle réfléchir pour la fois suivante.
Les TD sont l'occasion de transmettre des savoir-faire, en plus des
connaissances. Travailler en petits groupes permet une liberté plus grande qu
doit être mise à profit, par exemple pour changer fréquemment d'activité
(toutes les 15 à 20 minutes), y compris si cela demande de se déplacer pour
former des groupes par exemple. Ces activités doivent toujours être orientées
vers un apprentissage actif. On peut également faire dépendre ces activités de
la lecture obligatoire de façon à la rendre indispensable aux étudiants ou
demander à un étudiant ou à un groupe d'étudiants d'expliquer quelque chose
aux
autres, car on ne peut bien expliquer que ce qu'on a bien compris. Les
activités qui obligent les étudiants à faire une évaluation (d'une idée, d'un
exercice) sont très bénéfiques, tout comme les discussions organisées entre
étudiants. Comme durant le CM, le retour de l'enseignant vers les étudiants
doit être régulier et essentiellement positif au début du semestre, puis
devenir plus critique une fois que la parole est déverrouillée.
MB insiste sur le travail en groupe et rappelle les règles qui doivent régir
son organisation :
- obligation de rendre des comptes, de produire quelque chose pour éviter
que des bavardages s'installent,
- les membres du groupe doivent dépendre les uns des autres pour éviter que
seuls un petit nombre d'étudiants fassent tout le travail,
- l'enseignant doit se rendre disponible pour les étudiants et circuler
parmi les groupes,
- la tâche à réaliser doit être précisément fixée,
- il faut veiller à la mixité des groupes et ne pas laisser les étudiants
se grouper eux-mêmes[4].
Chaque méthode d'évaluation est différente et permet de mesurer un type de
compétence ou de savoir. Elle est aussi associée à des erreurs systématiques
ainsi qu'à des erreurs aléatoires. Idéalement, on devrait donc :
- appliquer plusieurs fois dans le semestre la même méthode d'évaluation
pour éliminer les erreurs aléatoires,
- mélanger plusieurs méthodes d'évaluation pour éliminer les erreurs
systématiques.
MB présente ensuite plusieurs des méthodes d'évaluation les plus usuelles :
questions ouvertes (permettent de tester l'utilisation des connaissances mais
il est prouvé que la note est dépendante de la qualité de l'écriture de la
présentation comme de la position de la copie lors de la correction),
les
QCM utiles pour tester l'acquisition de connaissances (MB donnent des méthodes
de construction de ces tests pour y limiter les erreurs systématiques et
aléatoires), les présentations d'exposés (il est souhaitable de communiquer aux
étudiants une grille d'évaluation précise).
MB développe le rapport avec les étudiants, déjà abordé dans le chapitre IV. Il
faut leur montrer de l'intérêt et de la considération, sans tomber dans la
fausseté et l'hypocrisie. MB explique également comment gérer les excuses
réelles ou inventées pour les absences, les revendications justifiées ou pas,
le bavardage ainsi que les différents types d'«étudiants à problème ».
Il aborde également la motivation des étudiants, qui est un facteur clef de
leur réussite. il est connu[5] que la motivation intrinsèque est
facteur de
succès au contraire de la motivation extrinsèque. MB donne des moyens de
renforcer la motivation intrinsèque, par exemple en luttant contre l'idée
fausse mais très répandue que l'on est doué ou pas pour une discipline et qu'il
n'est pas possible d'y remédier.
Devant le constat que dans l'enseignement supérieur, la hiérarchie ne transmet
aucun retour aux enseignants, MB souligne la nécessité de s'auto-former. Cela
commence par s'évaluer. Cela peut se faire par auto-évaluation, ce qui est déjà
utile et pertinent mais on peut également se filmer ou demander à un collègue
d'assister à un de ses enseignements. L'évaluation par les étudiants est
également abordée. Des travaux montrent que si elle est biaisée, comme toute
évaluation, ce biais reste marginal3 et que finalement, l'évaluation par les étudiants
reste pertinente sur la qualité d'un cours. Enfin, MB dresse une liste d'un
certain nombre de ressources en ligne ou d'ouvrage à consulter pour
l'auto-formation.
MB aborde la gestion du temps et la difficulté à garder un équilibre entre
recherche, enseignement et administration. Une des solutions les plus efficaces
proposée par les spécialistes est une compartimentation assez stricte de son
emploi du temps, en fixant les plages strictement liées à chaque activité.
Cette organisation suppose que durant chaque activité, on ne laisse pas la
place à d'autres sollicitations. Par exemple, on établit une permanence de
2h/semaine réservée aux étudiants mais on ne les reçoit pas hors de ces
horaires. Les sollicitations par mail peuvent être réduites si on se fixe
également une ou plusieurs plages par jour pour leur consultation et qu'on
ferme le logiciel de mail hors de ces plages. Parmi les autres conseils donnés
par MB, il préconise également de ne pas réinventer la roue en matière
d'enseignement, c'est à dire de réutiliser au maximum ses archives ou celles
auxquelles on peut avoir accès. Mb insiste également sur le fait que la méthode
qu'il présente, loin de demander plus de temps qu'une méthode plus classique,
permet en fait d'en gagner.
MB fait part dans ce chapitre des évolutions qu'il prévoit du point de vue de
l'enseignement et de celles qu'il juge souhaitable. Il plaide en particulier
pour une implication plus grande des composantes et des établissements dans la
pédagogie via un soutien aux enseignements (conseillers pédagogiques).
MB présente une méthode permettant de lire efficacement un livre et d'en
mémoriser le maximum d'informations.
- 1
-
K. P. Cross and M. H. Steadman.
Classroom research : Implementing the scolarship of teaching.
1996.
- 2
-
A. Collins.
Processes in acquiring knowledge.
pages 339-363, 1977.
- 3
-
J. D. Walker, Sehoya H. Cotner, Paul M. Baepler, and Mark D. Decker.
A Delicate Balance: Integrating Active Learning into a Large Lecture
Course.
CBE-LIFE SCIENCES EDUCATION, 7(4):361-367, WIN
2008.
- 4
-
Thomas J. Wenzel.
Peer Reviewed: Cooperative Group Learning in Undergraduate
Analytical Chemistry.
Analytical Chemistry, 70(23):790A-795A, 1998.
- 5
-
YG Lin, WJ McKeachie, and YC Kim.
College student intrinsic and/or extrinsic motivation and learning.
LEARNING AND INDIVIDUAL DIFFERENCES, 13(3):251-258,
2001.
- 6
-
AG Greenwald.
Validity concerns and usefulness of student ratings of instruction.
AMERICAN PSYCHOLOGIST, 52(11):1182-1186, NOV 1997.
- 7
-
P. Seldin.
Changing practices in evaluating teaching : a practical guide to
improved faculty performance and promotion/tenure decisions .
1999.
Notes
- ...
net1
-
https://www.brown.edu/about/administration/sheridan-center/teaching-learning/cou
rse-design/creating-syllabusBrown University et
http://cte.illinois.edu/resources/topics/course_plan.htmlUniversity
of Illinois
- ... syllabus2
- L'association américaine de l'enseignement
supérieur considère la rédaction du syllabus comme la partie la plus
importante de la préparation d'un cours.
- ... marginal3
- c'est à dire que s'il est vrai
que les enseignants plus laxistes ou donnant moins de travail ont de
meilleures évaluations[6], les évaluations par les
étudiants donnent des résultats finalement très proches de celles par des
experts[7]