«L'approche par problèmes et par projets : effets de dispositifs pédagogiques actifs dans l'enseignement universitaire »
in «Un enseignement démocratique de masse » (2007)

M. Frenay, B. Galand, E. Bourgeois, GIRSEF, UCL

Résumé:

L'article (disponible en lecture sur le web) décrit une expérience d'enseignement par problèmes et par projets menée dans le cadre d'une formation d'ingénieur à l'Université Catholique de Louvain. L'effet de cette approche a pu être mesuré en comparant des étudiants soumis ou non à la réforme. Les données analysées ont été choisies non seulement pour juger de l'efficacité de la méthode en fonction de certains critères, mais aussi pour essayer de comprendre pourquoi et de quelle façon cette approche par problème agit sur les étudiants.

Introduction

«... bon nombre d'arguments théoriques laissent penser que ce mode de formation pourrait avoir des effets positifs sur la motivation, les capacités d'auto-régulation, la profondeur des apprentissages, le développement des habiletés sociales et des compétences cognitives de haut niveau des étudiants » (refs Dochy 2003, Walker 2009)

APP «développée au départ dans la formation du personnel médical et des ingénieurs»

Questions posées : effet sur la qualité de l'apprentissage et sur la motivation des étudiants? Est-ce plus efficace que les approches traditionnelles pour développer des compétences cognitives de haut niveau (raisonnement, résolution de problèmes, analyse, application) et des compétences sociales (travailler en équipe) ? Si c'est le cas, est-ce que cela ne se produit pas au détriment des connaissances disciplinaires? Est-ce plus efficace pour développer l'autonomie? Quel impact sur les enseignants?

L'APP cherche à répondre aux défis du supérieur : massification, diversification, exigence de qualité.

La base de connaissances scientifiques sur l'APP est lacunaire. Grande diversité des pratiques et des dispositifs pédagogiques.

Contexte de mise en place

Le dispositif a été mis en place la faculté de sciences appliquées de l'UCL en 2000, pour une promotion de 380 élèves ingénieurs de première et deuxième années1.
La réforme était motivée par les lacunes constatées dans la formation précédente, en particulier celles sur les compétences professionnelles des ingénieurs formés. Elle a été menée par une équipe pédagogique motivée dans un contexte institutionnel favorable, i.e. avec le soutien de l'établissement.

Nouvelles méthodes pédagogiques et nouvelle organisation de la formation

Les nouvelles méthodes pédagogiques sont centrées sur l'apprentissage de l'étudiant, son attitude active vis à vis des études, le développement de compétences nouvelles comme le travail en équipe.

Caractéristiques :

Mesure de l'impact de la réforme

L'impact de la réforme a été mesuré par comparaison de la cohorte ayant passé ses deux premières années avec l'ancien programme et de celles qui sont passées par le nouveau programme. Les premières données ont été recueillies en 2000, année de mise en place de la réforme et le recueil s'est poursuivi jusqu'en 2003. Les auteurs se sont concentrés sur les effets à moyen terme, c'est à dire ceux mesurés en troisième année de la formation (juste après les deux premières années qui correspondent au premier cycle). Deux sources de données ont été recueillies : les notes obtenues par les étudiants en fin d'année et des données spécifiques.

Le choix des variables spécifiques utilisées pour vérifier les effets de la réforme était guidé par deux objectifs. D'une part, savoir si l'approche APP permettait bien d'augmenter certaines compétences (et parmi celles-ci, les compétences que le programme avaient spécifiquement pour but initial de renforcer). Quatre types de compétences ont finalement été retenues et mesurées grâce à un test spécifique de quatre questions mises au point par les enseignants «comme étant les plus représentatives de ce qui est attendu d'un candidat ingénieur civil performant ». Elles étaient axés sur la compréhension et l'application, pas seulement sur la mémorisation :

Le test a été passé par les étudiants au tout début de la troisième année du cursus.

D'autre part, les auteurs souhaitaient alimenter la base de connaissances scientifiques sur les APP en étudiant l'impact sur l'apprentissage de certains aspects caractéristiques des APP comme le travail en groupe et la résolution de problèmes. Cela passait par l'analyse de la perception qu'avaient les étudiants de la formation, sachant qu'un dispositif de formation quel qu'il soit ne produit pas d'effets mécaniques sur un groupe d'étudiants mais que son impact dépendra des caractéristiques de chaque étudiant. Les auteurs souhaitaient « comprendre par quel biais cet impact se produit », «d'étudier la chaîne causale reliant les aspects du dispositif étudié aux indicateurs d'apprentissage retenus, en passant par une série de variables intermédiaires pertinentes». Trois niveaux de variables d'entrée et de variables intermédiaires ont été distingués : l'engagement de l'étudiant dans l'apprentissage, les facteurs motivationnels et la perception du dispositif de formation.
De nombreuses recherches montrent l'importance de l'engagement de l'étudiant dans l'apprentissage pour sa réussite. Ceci est mesuré grâce à deux variables :

Le type de motivation est également lié à la réussite de l'étudiant. Avoir pour but la compréhension de la discipline et le développement de ses compétences est positif, tandis que viser l'image sociale, les récompenses externes ou l'évitement du travail a des effets négatifs. La réussite dépend également de la perception qu'à un étudiant d'être capable de réussir la tâche d'apprentissage.

Pour analyser la perception qu'ont les étudiants du dispositifs d'apprentissage, ils ont été interrogés sur la contextualisation de cet apprentissage (liens théorie-pratique), le soutien à l'apprentissage, la cohérence des évaluations, la surcharge de travail et les modalités du travail en groupe.

Impact sur les connaissances des étudiants après deux ans de formation APP

La comparaison du test spécifique décrit précédemment montre :

Ces résultats montrent que contrairement à ce que l'on pouvait penser, l'APP n'entraîne pas une baisse des connaissances théoriques mais pointe au contraire une série d'effets positifs. Il n'y a pas de progression spectaculaire dans un sens ou dans l'autre mais une évolution globalement favorable sur les critères testés. Cette progression se retrouve pour tous les étudiants, quel que soit leur niveau.

Impact sur les méthodes de travail et les attitudes des étudiants

Seule la recherche d'information semble s'être améliorée grâce à l'APP. Les autres habitudes de travail n'ont pas été modifiées.

Concernant les stratégies d'étude, les étudiants soumis à la réforme se basent moins sur l'apprentissage par coeur et la répétition. Les autres critères (organisation, critique, construction de liens avec les connaissances).

Aucun effet sur les profils motivationnels des étudiants n'a été mesuré.

Conclusion

La crainte de nombreux enseignants que l'APP augmente certaines compétences au détriment des connaissances théoriques semble infondée d'après cette étude. Plus généralement, l'APP ne semble avoir que des effets positifs, les seuls effets négatifs (surcharge de travail des étudiants) pouvant être mis sur le compte des difficultés de mise en place de cette réforme.
«Ces résultats laissent donc à penser qu'il est possible de faire mieux sans effet pervers, qu'il est possible de développer davantage de compétences chez les étudiants sans sacrifier la maîtrise de la matière.» Peut être faut-il revoir à la hausse nos attentes vis à vis des étudiants de leurs capacités.


Notes

... années1
Formation totalement universitaire.